LES LABORATOIRES CINÉMATOGRAPHIQUES PARTAGÉS.
DE LA CAVE AU JARDIN, FORMES ET FONCTIONS D’UN LIEU D’INVENTION ET DE RÉSISTANCE.
Auditorium du Tambour – Université Rennes 2
En partenariat avec l’équipe de recherche APP/Cinéma – Université Rennes 2
Coordination : Eric Thouvenel
En invitant des chercheuses et chercheurs mais aussi des cinéastes, qui utilisent et font vivre les laboratoires cinématographiques partagés, cette journée d’étude essaiera de réfléchir à la situation de ces lieux dans le paysage cinématographique actuel, ce qui s’y fabrique et comment, c’est-à-dire avec quels moyens (techniques, économiques et humains). On se demandera au service de quel projet – projet esthétique, mais aussi projet de vie et de société – travaillent les laboratoires, qui ne revendiquent pas seulement le droit à faire des films différents, des films autrement ; mais qui ambitionnent aussi de repenser, plus largement, la place qu’occupe cette activité dans le monde qui est le nôtre.
10H-10H15 : Ouverture de la Journée et actualités du laboratoire (Antony Fiant)
10H15-10H30 : Présentation de la Journée d’étude (Eric Thouvenel)
10h30-12h : Table ronde avec des membres du laboratoire MIRE (Nantes)
Fondée en 1993, Mire est une association dédiée au cinéma expérimental et à l’image en mouvement, basée à Nantes. Elle organise régulièrement des projections et, depuis 2018, le festival Prisme, dédié aux cinématographies argentiques contemporaines. Elle organise également de nombreux ateliers et actions éducatives centrés sur les pratiques argentiques, et adosse une bonne part de ses activités sur un laboratoire partagé, qui compte parmi les plus importants et actifs en France pour le travail sur le médium film.
Cette table ronde sera l’occasion d’évoquer les multiples facettes des activités de Mire, avec plusieurs de ses membres et salarié.e.s : l’histoire de l’association, la place qu’elle occupe dans le paysage des labos à l’échelle nationale et internationale ; ses activités de production, de formation, de programmation et d’action culturelle ; le rapport que les cinéastes qui y travaillent entretiennent avec le lieu et ses équipements techniques. Une attention particulière sera portée au projet collaboratif REMI (Re-Engineering the Moving Image), mené entre 2016 et 2017 par Mire avec deux autres laboratoires (WORM.Filmwerkplaats à Rotterdam et LaborBerlin), consacré à la création, la préservation et la circulation des connaissances technologiques dans le champ de l’argentique, et financé par des fonds obtenus auprès de l’Union Européenne.
12H : Discussion
12H30 : Déjeuner
14H30-15H15 : Noélie Martin, « Les émulsions artisanales et l’écoféminisme »
Il y a bientôt cinq ans, j’ai réalisé une étude sur la technique des émulsions artisanales à partir de séminaires suivis dans deux laboratoires de films indépendants (Atelier MTK à Grenoble et WORM.Filmwerkplaats à Rotterdam). Je me suis interrogée sur ce qui pouvait faire communauté dans la fabrication artisanale d’une émulsion et sur le nouveau souffle que cela semblait apporter au sein de la pratique artisanale des laboratoires indépendants. Je me suis alors rendu compte qu’au delà de ces moments de partages des connaissances et d’expérimentations, la communauté poursuivait son existence, de manière plus évanescente, par le biais de ce mode d’expression commun, celui du film artisanal, lieu d’un attachement particulier et révélateur d’aspirations communes et de modes d’être communs. En effet, pour ces cinéastes, le film est un partenaire de vie et leur obstination dit quelque chose de leur rapport au monde et aux objets.
Je reviendrai sur cette étude et son contexte, puis, pour enrichir la réflexion, je souhaiterais porter mon attention vers la dynamique renaissante que suscitent les théories écoféministes et m’inspirer de leurs luttes pour examiner ces pratiques filmiques. En effet, la « réappropriation », la « réhabilitation », la « réinvention » sont les motivations majeures de ces deux formes d’engagement. Elles ont en commun cette critique, centrale, du capitalisme qui détruit et dépossède, la volonté commune de protéger ce à quoi l’on tient.
15H-15H25 : Projection de Crête, film collectif réalisé à l’été 2020, développé à partir de plantes.
15H25-16H10 : Joyce Lainé & Jacopo Rasmi, « Laisser infuser des images dans les ruines de l’industrie cinématographique »
Il s’agit de travailler à quatre mains et deux voix pour mutualiser des compétences et des incompétences : d’une part, celles d’un jeune chercheur avec un pied dans les théories de l’écologie et l’autre dans les études visuelles, de l’autre celles d’une jeune cinéaste expérimentale issue (entre autres) d’une formation scientifique. Par leur échange, ils souhaitent repérer dans ce qui peut se faire maintenant – notamment dans le milieu des « labos » – l’orientation d’un univers cinématographique post-croissance, post-industriel ou encore post-médiatique (Guattari, 1989) qui, en fait, n’a besoin d’attendre la fin de quoi que ce soit. Il est déjà autour de nous, abrité dans l’ombre du délabrement (d’une partie) du cinéma mass-médiatique.
Notre dialogue va suivre un rythme en trois temps, il dansera une valse (disons).
1) D’abord, nous contextualiseront nos réflexions dans l’univers de l’écologie politique contemporaine où, à travers la diffusion des discours de la collapsologie, prennent de plus en plus de place des critiques radicales de notre organisation socio-économique sous l’angle d’une perspective d’Effondrement imminente (Citton & Rasmi, 2020). Au milieu des délitements d’une société thermo-industrielle dont le cinéma est par ailleurs issu (Nadia Bozak, 2012), nous cherchons à fabriquer des formes de vie « collapsonautes » : différentes et plus soutenables. Surgi dans les plis de la crise d’une certaine industrie cinématographique, l’univers des laboratoires indépendants pourrait bien incarner une telle recherche (soucieuse d’une série de dynamiques : sauvages, low-tech, d’entraide, de circuits courts et conviviaux, créatives, etc.) dans le milieu filmique.
2) Ensuite nous nous pencherons sur un cas d’expérimentation concrète mis en place collectivement l’été dernier à la Chapelle en Vercors dans l’intention de concevoir et tester une chimie de traitement de la pellicule peu polluante et totalement indépendante d’une production industrielle. Avec pour base la recette du « caffeinol », et l’étude des composants actifs de tout révélateur, nous avons trouvé le mélange le plus simple à base de produits locaux – tels l’ortie et la cendre – pour développer des images tournées en 16mm sur place. Nous ferons un compte rendu technique de nos bricolages qui n’oubliera pas de mentionner les expertises, les exemples et les références sur lesquels nous nous sommes appuyés.
3) Nous arriverons ensuite à décrire les images produites et l’expérience de leur fabrication en valorisant une démarche expérimentale ouverte aux surprises, aux improvisations et aux découvertes qui ne nous permet pas de déterminer précisément à l’avance les formes et les textures de nos supports. Ce qui nous amène à décrire, une fois de plus, l’intensité et la variété d’expérience de l’image cinématographique lorsqu’elle émerge d’un jeu (local) avec ses matérialités plutôt qu’être soumise aux standardisations demandées par l’industrie marchande.
16H10-16H30 : Eric Thouvenel, « Deux ou trois pistes concernant les recherches sur les laboratoires partagés, et leur apport à la recherche en études cinématographiques »
16H45 : Discussion
17H15 : Fin de la journée
Cette journée d’étude est organisée en partenariat avec le festival Obskura, dédié aux cinématographies argentiques.
Dans la foulée de la journée d’études, en début de soirée, une séance de films programmés par les intervenant.e.s est organisée aux Ombres électriques, 10 rue des Trente à Rennes.